5 HOSTILITE DECLAREE

La littérature managériale n'apprécie guère le binôme famille et entreprise. Les contempteurs auraient-ils tort ? Quelle est la vérité qui s'en dégage ? Pourquoi cette loi des 3 générations ? C'est l'orientation de nos recherches ici alors que les recherches académiques soulignent la médiocrité du management familial.

Mais de quoi parle-t-on ? Au regard de l'étude de l'environnement de l'entreprise familiale et de mon expérience, je peux dire qu'il n'y a pas d'entreprise familiale en France.

En effet, selon la volonté de la société française, (voir 1.1 Votre famille) il ne reste plus grand chose de l'institution famille et tout particulièrement de sa fonction de transmission. Par ailleurs avoir une entreprise et la conserver sont des objectifs difficiles à poursuivre (1.2.2 Etre actionnaire et 1.3 Votre entreprise). Dès lors comment peut-il y avoir des entreprises familiales ayant atteint le double objectif d'avoir une famille et une entreprise qui fonctionne conjointement  en France ?

Les cas existent et sont notoires mais ils font partie du passé comme les étoiles dans le ciel, observées à l'instant t. Le problème est qu'aujourd'hui le contexte interdit l'apparition de grandes entreprises.

Pendant ce temps là d'autres pays comme l'Allemagne sont fiers de leurs entreprises familiales : www.familienunternehmen.de

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Les contempteurs.

Extraits ici et là :

" En dépit de l'exemple contraire de Manuest, les créateurs d'entreprises sont généralement des gestionnaires compétents. Mais la réussite, elle, ne résiste pas à la dévolution héréditaire. Tôt ou tard, les successeurs incompétents mettent en danger la survie de l'entreprise. Le capitalisme ne propose aucun remède satisfaisant à cette dégénérescence de la gestion dans les P.M.E. familiales. On ne peut qu'attendre faillite, liquider les biens et enregistrer les ex-travailleurs à l'A.N.P.E. Des centaines de milliers d'emplois sont ainsi menacés, à plus ou moins long terme."

page 230, François de Closets dans Toujours Plus aux Editions Bernard Grasset,1982.

" La plus mauvaise idée si l'on veut améliorer les relations dans l'entreprise, la justice sociale et la performance de l'économie française à long terme serait de supprimer l'impôt sur les successions. Il existe (des) bonnes raisons pour conserver cet impôt. [...]Ensuite, comme nous l'avons abondamment discuté, la transmission héréditaire des entreprises a des conséquences économiques néfastes. De ce fait, la taxation des successions joue un rôle utile dans la promotion de l'efficacité économique."

page 92-93, Thomas Philippon dans Le capitalisme d'héritiers. La crise française du travail. aux éditions Seuil Collection La république des idées, 2007

"Chef d'entreprise = chef de famille : équation typiquement française. La marque laissée en France par la famille, l'école et la religion, se retrouve en économie. Dans l'agriculture, l'industrie et le commerce, la structure familiale a constamment prédominé et prédomine encore.

J'ai connu un artisan ferronnier, dont l'affaire prospérait au milieu des années 1930. Quand les lois sociales obligèrent à accorder aux ouvriers des assurances sociales, puis des congés payés, il s'y refusa : "Si je donne ces droits à des ouvriers, disait-il, comment pourrai-je ensuite les commander ?" Il préféra les congédier et faire fonctionner son atelier avec les seuls membres de sa famille. Quarante ans plus tard, l'atelier n'a pas changé de dimensions. Une autre entreprise, qui était alors de même taille, mais qui avait accepté la nouveauté, fait vivre aujourd'hui une centaine d'ouvriers.

Cette structure familiale frappe les analystes étrangers (par exemple le sociologue américain Jesse Pitts explique par l'entreprise familiale le retard économique français). Ils y voient une cause essentielle de ce malthusianisme qui a tant marqué et marque encore trop souvent notre économie. L'obsession du patrimoine fait passer les intérêts familiaux avant l'intérêt de l'entreprise. "

Alain Peyrefitte "Le mal français" Librairie Plon 1976. Cinquième partie. Des structures mentales malades : l'immobilisme convulsionnaire.

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Etudes académiques sur la sous-performance des entreprises familiales lors de leur transmission.

Measuring and Explaining Management Practices Across Firms and Countries , Nick Bloom and John Van Reenen, Abstract : "We use an innovative survey tool to collect management practice data from 732 medium sized manufacturing firms in the US, France, Germany and the UK. These measures of managerial practice are strongly associated with firm-level productivity, profitability, Tobin'sQ, sales growth and survival rates. Management practices also display significant cross-country differences with US firms, on average better managed than European firms, and significant within-country differences with a long tail of extremely badly managed firms. We find that poor management practices are more prevalent when (a) product market competition is weak and/of when (b) family-owned firms pass management control down to the eldest (primo geniture). European firms report lower levels of competition, while French and British firms also report substantially higher levels of primo geniture due to the influence of Norman legal origin and generous estate duty for family firms. We calculate that product market competition and family firms account for about half of the long tail of badly managed firms and up to two thirds of the American advantage over Europe in management practices.

Inside the Family Firm : The role of families in succession decisions and performance. ECGI. Morten Bennedsen, Kasper Meisner Nielsen, Francisco Pérez-Gonzalez, Daniel Wolfenzon. Abstract : This paper uses a unique dataset from Denmark to investigate the impact of family characteristics in corporate decision making and the consequences of these decisions on firm performance. We focus on the decision to appoint either a family or external chief executive officer (CEO). The paper uses variation in CEO succession decisions that result from gender of a departing CEO's firstborn child.This is a plausible instrumental variable (IV), as male first-child firms are more likely to pass on control to a family CEO than are female first-child firms, but the gender of the first child is unlikely to affect firms'outcomes. We find that family successions have a large negative causal impact on firm performance : operation profitability on assets falls by at least four percentage points around CEO transitions. Our IV estimates are significantly larger than those obtained using ordinary least squares. Furthermore, we show that family-CEO underperformance is particularly large in fast-growing industries, industries with higly skilled labor force and relatively large firms. Overall, our empirical results demonstrate that professional, non-family CEOs provide extremely valuable services to the organizations they head. Keywords: family firms, successions, CEO turnover, governance.


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